Fondée sur une philosophie avant-gardiste, Stephen Liu Design dépoussière l’art de l’individualité à travers des créations sombres et élégantes. En mêlant la poésie subtile de l’Orient à l’énergie insoumise du punk, la maison s’affirme comme un nouvel acteur qui abolit les frontières normatives établies de la mode contemporaine.
Chez la maison de couture, la mode s’élève au rang de langage universel, devenant un vecteur d’expression personnelle, un manifeste d’inspiration et une quête d’émancipation. Chaque collection s’érige en ode à l’authenticité, invitant à briser les carcans pour révéler l’essence la plus intime de soi. Qui suis-je ? Je suis l’insoumis/e.
Dans cette interview exclusive, Victoria Huerta F., directrice de la maison et Stephen Liu, designer/directeur créatif, et co-fondateurs, dévoilent les coulisses de ‘Lost In Dreamscape’, une collection révélée à la Fashion Week de Pékin le mois dernier. Entre dialogues créatifs, inspirations poétiques et ambitions internationales, découvrons l’univers d’une maison de couture résolument exceptionnelle qui célèbre l’imperfection sublime, la singularité et la beauté oxymorique.

Félicitations pour les débuts de Stephen Liu Design à la China Fashion Week ! Comment s’est déroulée cette première présentation majeure à Pékin ?
Stephen : Merci infiniment ! Présenter notre collection à la China International Fashion Week a marqué un tournant décisif pour Stephen Liu Design. Pékin, avec son énergie créative et son histoire riche, était le cadre parfait pour dévoiler la vision de la marque. Une vision qui mêle la poésie de la philosophie orientale à une audacieuse expérimentation.
La collection explore des thèmes de dualité et de transformation, inspirés par le parcours culturel personnel de Stephen. Mais c’est avant tout l’engagement, la créativité et la passion de toute l’équipe qui ont donné vie à cette histoire. En coulisses, tout s’est parfaitement aligné. Voir le public interagir avec les textures, les silhouettes et l’émotion derrière chaque pièce a été une expérience profondément gratifiante. Ce lancement a été un premier pas téméraire, marquant le début de toute une aventure.
Victoria, en tant que Directrice, quels ont été les plus grands défis pour organiser ce premier défilé international ?
Victoria : Fonder la maison avec Stephen a été aussi bien une démarche stratégique qu’un voyage personnel profondément transformateurs. En tant qu’Européenne et créative multidisciplinaire, m’implanter en Chine tout en coordonnant et dirigeant ces débuts a nécessité une navigation constante entre les subtilités culturelles et l’intégrité créative de Stephen.
Le défi allait bien au-delà de la logistique. Il s’agissait de traduire l’essence de Stephen Liu Design dans un nouveau contexte culturel, sans jamais compromettre ses valeurs esthétiques et émotionnelles. Nous n’organisions pas simplement un défilé. Nous donnions vie à une vision, à une émotion. Chaque détail comptait : les mouvements de l’équipe sous les projecteurs, l’atmosphère ressentie par le public, jusqu’à la sonorité de l’espace.
Trouver l’équilibre entre la précision et la poésie, entre le contrôle et l’instinct, tout en maintenant une communication fluide, a été au cœur de notre travail. Ce que nous avons créé dépasse une simple présentation : c’était un dialogue entre deux mondes. Et pour nous, cela marquait aussi les débuts d’une aventure sincère et durable.

Pouvez-vous d’ailleurs nous plonger au cœur du concept Lost In Dreamscape qui a brillé à Pékin cette année ? Quelle histoire et quelles émotions cette collection transmet-elle ?
Stephen : Cette saison, Lost In Dreamscape explore les souvenirs fragmentés et ces émotions éphémères qui oscillent entre rêve et réalité. La collection fusionne l’énergie brute et rebelle du punk avec une élégance sculpturale raffinée, trouvant un équilibre délicat entre chaos et contrôle.
Au cœur de cette collection se trouve une réflexion sur la déconstruction. Pas seulement dans la forme – avec des coupes déconstruites et des coutures apparentes – mais également dans l’esprit. J’ai voulu dépasser les structures traditionnelles pour créer des vêtements qui ressemblent à des rêves à demi oubliés ou à des souvenirs d’enfance qui s’effacent. Chaque pièce est pensée comme un fragment de mémoire : je me suis inspiré d’images récurrentes de rêves et de sensations nostalgiques, comme la douceur d’un tissu vieilli, la distorsion du temps ou la sensation de revenir dans un lieu inconnu mais étrangement familier.
Les silhouettes traduisent une mélancolie poétique : des bords bruts, des superpositions aériennes, et des vêtements qui semblent en pleine transformation. Cela reflète la manière dont les souvenirs évoluent, se déforment ou refont surface de manière inattendue. Lost In Dreamscape est, en somme, un journal visuel des émotions intérieures, des rêves et des pensées subconscientes. Cette collection ne se limite pas à ce que l’on porte, mais évoque ce que l’on porte en soi.
D’une profondeur exceptionnelle, je dois dire. Stephen, pour atteindre ces objectifs, la collection fusionne un esprit punk avec des silhouettes élégantes. Comment avez-vous navigué cette dualité au cours du processus créatif et dans le choix des pièces ?
Stephen : En tant que designer, j’ai voulu explorer les “archives de mon esprit” de manière tangible, ce qui m’a permis de reconstruire des inspirations fondamentales pour moi. Ces objets inattendus, presque mystérieux, deviennent des outils pour remodeler mes rêves. À travers eux, j’ai créé des fragments aux couleurs imaginaires, rendant les souvenirs concrets dans la réalité.
Dans cette série, j’ai exprimé un désir profond : manipuler le passé, réparer le présent et réinventer l’avenir. Cela m’a plongé dans une obsession presque compulsive, celle de revisiter encore et encore les mêmes souvenirs. À chaque retour, les détails et les scènes évoluent subtilement ou de manière radicale. Ce processus, empreint de coïncidences et d’accidents créatifs, a donné naissance à ces vêtements, qui sont autant de reflets de cette transformation.

Justement, parlons-en de cette idée de conflits qui donnent naissance à la création. La tension entre des éléments opposés – structure et fluidité, militaire et haute couture, Est et Ouest, punk et poésie – semble être au cœur de la collection. Est-ce une signature délibérée de la maison de couture ?
Stephen : Absolument. Le dialogue entre l’artisanat oriental et occidental est omniprésent dans cette collection. Par exemple, la technique de coupe tridimensionnelle s’associe à la fluidité du fil de soie en vagues chinoises. Les manteaux en laine vierge japonaise, quant à eux, adoptent des lignes fortes et structurées, tandis que les costumes, en apparence classiques, révèlent des détails gothiques inattendus au niveau des épaules, brisant ainsi les conventions.
Des détails gothiques, somptueux, d’ailleurs.
Stephen : Ces contrastes reflètent une philosophie de design consciente, où chaque tension crée de la profondeur et de la complexité. En fusionnant structure et fluidité, militaire et couture, Est et Ouest, punk et poésie, la marque dépasse les frontières traditionnelles. Elle revendique une identité multidimensionnelle, pensée pour les esprits libres et les âmes artistiques.
À qui s’adresse principalement Stephen Liu Design ? Qui est l’homme ou la femme que vous imaginez porter ces créations ?
Stephen : Stephen Liu Design s’adresse à ceux qui refusent la banalité. À ceux qui osent porter leur identité comme une affirmation, avec courage et singularité. Ces créations parlent aux artistes, aux rebelles, aux visionnaires – des individus intrépides qui utilisent la mode comme un langage, une manière de se raconter.
Chaque pièce devient une toile, chaque couture une déclaration. Ces vêtements sont pensés pour ceux qui recherchent un équilibre entre élégance et rébellion, où chaque détail invite à dépasser les apparences. Pour eux, Stephen Liu Design n’est pas simplement une marque à porter, mais une philosophie à vivre pleinement.

Parlons de l’approche déconstructionniste mentionnée dans vos collections. Comment cela se traduit-il concrètement dans des techniques comme la coupe, l’assemblage ou le traitement des matériaux ?
Stephen : Pour moi, la déconstruction est avant tout un moyen de repenser la forme et l’identité. Je m’éloigne des coupes traditionnelles en traçant des lignes inattendues, en déplaçant les coutures ou en laissant volontairement les bords bruts apparents. Cette approche révèle une certaine vulnérabilité dans les vêtements, tout en mettant en avant leur authenticité.
Lors de la conception, j’aime travailler avec l’asymétrie et les superpositions, en construisant chaque pièce comme si elle était un fragment de mémoire, un souvenir éclaté. Le processus de création reste visible, assumé, et célèbre l’imperfection. J’expérimente également avec les textures et les tensions, en mariant des matériaux doux et structurés, lisses et rugueux. Le tissu devient alors un langage émotionnel, exprimant à la fois fragilité et résistance. Pour moi, la déconstruction n’est pas une tendance, mais une manière de défier l’uniformité et de réinventer l’individualité.

Il me semble que vous mettez un point d’honneur à utiliser des textiles haut de gamme. Pouvez-vous nous parler de quelques matériaux clés utilisés et de la façon dont ils soutiennent la narration de Lost In Dreamscape ?
Stephen : J’ai intégré dans cette collection des techniques artisanales issues de mes formations. Par exemple, la coupe tridimensionnelle apprise au Japon se marie ici avec le fil de soie en vagues, une tradition chinoise. Le cachemire italien, structuré dans les manteaux oversize, offre des lignes nettes et précises, presque comme une lame. La laine double lisse japonaise, quant à elle, évoque une pureté texturale, semblable à un champ de neige, une métaphore de la force intérieure des femmes.
Le fil de soie en vagues, quant à lui, réagit au mouvement, créant une dynamique presque vivante, comme une vitalité cachée sous une apparence délicate. Cette esthétique, qui joue entre dureté et douceur, reflète l’équilibre recherché dans la collection.
Le noir est omniprésent dans cette série. Il s’inspire à la fois de l’étiquette solennelle des dynasties Shang et Zhou en Chine et de l’image rebelle des corbeaux dans la culture gothique européenne. Le contraste entre le rouge Bordeaux et le noir profond évoque à la fois l’héritage oriental des murs rouges de la Cité Interdite et l’esprit de liberté européen. Ce jeu de symboles reflète des femmes modernes, élégantes mais prêtes à briser les règles.

L’un des looks, nommé LOOK 0, s’inspire de l’architecture sacrée (le dôme du Vatican). Comment parvenez-vous à traduire ces concepts architecturaux dans des vêtements fluides tout en préservant leur structure ?
Stephen : En jouant sur les proportions, les formes et les détails symboliques. LOOK 0 capture la grandeur et la symétrie du dôme à travers des silhouettes volumineuses mais maîtrisées. Les techniques de drapage et la coupe sculpturale permettent d’évoquer les lignes architecturales tout en conservant une fluidité qui donne vie au vêtement.
Formé par Naoki Takizawa, j’ai hérité de la philosophie japonaise de la précision et de l’expérimentation textile. Cette collection ‘Lost In Dreamscape ‘ est le reflet d’une fusion entre l’artisanat oriental et les valeurs esthétiques contemporaines européennes.

Comment définissez-vous l’avant-garde aujourd’hui, dans un monde en perpétuelle évolution ? Y a-t-il encore de la place pour l’expérimentation et l’avant-garde ?
Stephen : Dans un monde où la culture, le style et les idées sont de plus en plus algorithmiques et recyclés, l’avant-garde devient une forme de rébellion intentionnelle. Chez Stephen Liu Design, cette rébellion n’est pas bruyante, mais subtile et réfléchie. Elle s’exprime à travers les formes, les tissus et la philosophie.
Les tendances se répètent, les idées se recyclent, mais l’avant-garde, elle, prospère dans cette boucle en y insérant des points de rupture. Ces “glitches” dans la matrice esthétique permettent de voir le monde sous un nouvel angle.

Après ce moment marquant à la China Fashion Week, quelles sont les prochaines étapes et ambitions pour la maison de couture ?
Victoria : Suite à cette étape importante, Stephen Liu Design souhaite renforcer sa présence en Europe. Nous voulons élargir nos canaux de distribution et accroître notre visibilité, à la fois sur les plateformes numériques et physiques.
Nous envisageons également des collaborations significatives, tout en restant fidèles à nos engagements en matière de durabilité et de design unique. L’avenir s’annonce comme une aventure passionnante, pleine de possibilités pour innover, grandir et exprimer notre vision culturelle.
Mes remerciements à la formidable maison de couture Stephen Liu Design, Stephen Liu pour son implication et sa passion débordante pour l’art de l’art et Victoria pour son immense gentillesse et son esprit solaire !
